DERMATOSES À MÉDIATION IMMUNITAIRE : PEMPHIGUS FOLIACÉ
SURVOL
- Le pemphigus désigne un groupe de maladies cutanées auto-immunes.
- Le type de pemphigus le plus courant est le pemphigus foliacé (PF).
- D’autres types de pemphigus observés chez les chiens sont:
- le pemphigus vulgaire;
- le pemphigus végétant;
- le pemphigus érythémateux;
- le pemphigus paranéoplasique.
- Des auto-anticorps ciblent des protéines dans les desmosomes reliant les cellules cutanées (kératinocytes) entre elles (APPARENCE CLINIQUE, figure 1).
Par exemple, on croit que les auto-anticorps ciblent principalement la desmocolline 1 chez les chiens souffrant de pemphigus foliacé et qu’ils ciblent surtout la desmogléine 3 dans les cas de pemphigus vulgaire. - Le mécanisme précis par lequel les auto-anticorps détruisent les jonctions intercellulaires (un processus appelé acantholyse) n’est pas encore déterminé avec certitude.
- Rarement, certains médicaments peuvent causer le PF, de façon:
- réversible: la maladie régresse après l’interruption du traitement par le médicament;
- irréversible: la maladie persiste malgré l’interruption du traitement par le médicament.
- L’exposition au soleil peut aggraver les lésions de PF.
- Les races prédisposées sont l’akita et le chow-chow, mais le golden retriever, l’épagneul cocker, le teckel, le doberman et le bouledogue anglais sont d’autres races fréquemment touchées.
- La maladie affecte typiquement des chiens d’âge moyen, bien qu’elle soit aussi diagnostiquée à l’occasion chez des chiens âgés de moins de 1 an.
APPARENCE CLINIQUE
- Le PF est typiquement une maladie pustuleuse (image 2). Les pustules sont généralement grosses (elles couvrent plusieurs follicules pileux), mais elles sont parfois petites (en tête d’épingle) dans une minorité de cas.
- Chez certains patients, les papules (qui précèdent l’apparition des pustules) sont plus nombreuses, tandis que chez d’autres patients, les pustules se rompent rapidement et les principales lésions sont alors des croûtes (image 3).
- Les érosions postlésionnelles et l’alopécie peuvent prédominer.
- La tête, la face et les pavillons sont les endroits les plus touchés au début de la maladie, et sont d’abord affectés de façon bilatérale et symétrique.
- Chez la plupart des chiens, les lésions finissent par se généraliser, parfois rapidement (image 4).
- Les coussinets peuvent être très atteints et présenter des croûtes et des fissures qui provoquent de la boiterie chez certains patients (image 5).
- La gravité des lésions peut s’accroître et s’atténuer dans le temps.
- Les lésions sont rarement prurigineuses.
- Quelques patients sont abattus et font de la fièvre.
AFFECTIONS SIMILAIRES
- Pyodermite à staphylocoques
- Démodécie
- Dermatophytose (surtout l’infection causée par Trichophyton)
- Pustulose sous-cornée (très rare)
- Pustulose éosinophilique (très rare)
- Pemphigus érythémateux (si les lésions sont limitées à la tête)
- Dermatite nécrosante superficielle
- Dermatose répondant au zinc
- Lymphosarcome cutané
- Maladie de Carré
DIAGNOSTIC
- Pyodermite superficielle (cytologie négative, culture bactérienne négative, absence de réponse à l’antibiothérapie)
- Démodécie (grattage cutané profond négatif)
- Dermatophytose (culture fongique négative)
- Beaucoup de neutrophiles
- Cellules acantholytiques, surtout si elles sont regroupées en amas
- Éosinophiles parfois présents, ou prédominants dans quelques cas
- Absence de bactéries coccoïdes
- Analyser un échantillon intact et des pustules entières pour obtenir de meilleurs résultats. Des croûtes fraîches peuvent être utilisées si aucune pustule n’est présente.
- La présence de pustules sous-cornées couvrant plusieurs follicules pileux avec des neutrophiles, des cellules acantholytiques et parfois des éosinophiles est caractéristique de la maladie (image 7 de la section APPARENCE CLINIQUE).
- Une neutrophilie peut être présente mais toutes les autres valeurs sont typiquement à l’intérieur des limites de la normale.
- L’immunofluorescence directe (détection des auto-anticorps dans la peau) peut nécessiter la soumission d’un échantillon de peau congelé ou conservé dans le milieu de transport de Michel; certains laboratoires effectuent les tests d’immunohistochimie et d’immunofluorescence directe sur des tissus fixés au formol (informez-vous auprès de votre laboratoire).
- L’immunofluorescence indirecte (détection des auto-anticorps circulants) est typiquement insensible et inégale, et elle n’est pas recommandée à l’heure actuelle.
PRISE EN CHARGE
- Ne pas nuire!
- Garder le patient à l’abri de la lumière du soleil.
- Évaluer si la maladie pourrait être causée par un médicament et interrompre le traitement au besoin.
- Donner souvent des bains (shampooings 2 fois par semaine) pour retirer les croûtes.
- Appliquer des corticostéroïdes topiques toutes les 12 heures. Commencer par un corticostéroïde puissant (p. ex., bétaméthasone ou dexaméthasone) jusqu’à l’obtention d’une rémission, puis passer à un corticostéroïde moins puissant pour la maîtrise à long terme (p. ex., hydrocortisone ou prednisolone).
- L’application topique de tacrolimus toutes les 12 heures peut aussi être envisagée.
- Prednisone ou prednisolone, 1-3 mg/kg toutes les 12-24 heures (l’auteur commence habituellement par 1-2 mg/kg toutes les 12 heures). Une amélioration significative est généralement observée en 2 semaines, puis on baisse la dose graduellement sur une période de 2 à 3 mois en ayant pour objectif d’atteindre une dose de maintien de prednisone < 1 mg/kg toutes les 48 heures.
- Augmenter la dose de prednisone/prednisolone si le patient tolère bien le médicament.
- Changer de corticostéroïde (triamcinolone ou dexaméthasone) – attention au risque accru d’effets indésirables gastro-intestinaux. La dose de dexaméthasone et de triamcinolone correspond habituellement au dixième (1/10) de la dose de prednisone.
- Ajouter de l’azathioprine (2 mg/kg toutes les 24-48 heures).
- Essayer une association de doxycycline (5-10 mg/kg toutes les 12 heures) et de niacinamide (chiens < 10 kg : 250 mg toutes les 8 heures; chiens > 10 kg : 500 mg toutes les 8 heures).
- Ajouter de la cyclosporine (5-10 mg/kg toutes les 24 heures).
- Immunoglobuline humaine IV
- Mofétylmycophénolate (10-20 mg/kg toutes les 12 heures)
- Cyclophosphamide (2,2 mg/kg toutes les 48 heures)
- Chlorambucil (0,1-0,2 mg/kg toutes les 24-48 heures)
COMMENTAIRES
- Le PF est la maladie auto-immune cutanée la plus fréquente chez le chien.
- La maladie touche surtout des chiens d’âge moyen. L’akita et le chow-chow semblent y être prédisposés.
- Le PF est une dermatite pustuleuse et croûteuse qui affecte d’abord la tête et les pavillons d’oreilles avant de se généraliser.
- Le diagnostic est établi par la cytologie et l’histopathologie.
- Le pronostic de la maladie est bon, mais les traitements peuvent avoir des effets indésirables significatifs et sont administrés à long terme.
RÉFÉRENCES
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- Gross TL, Ihrke PE, Walder EJ, et al. « Pustular diseases of the epidermis ». Skin diseases of the dog and cat, 2nd ed, Ames, Iowa, Blackwell, 2005, 3-26.
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- Ihrke PJ, Stannard AA, Ardans AA, et al. Pemphigus foliaceus of the footpads in three dogs. J Am Vet Med Assoc 1985; 186(1): 67-69.
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- Peters J, Scott DW, Erb HN, et al. Comparative analysis of canine dermatophytosis and superficial pemphigus for the prevalence of dermatophytes and acantholytic keratinocytes: a histopathological and clinical retrospective study. Vet Dermatol 2007; 18(4):234-240.
- Rosenkrantz WS. Pemphigus: current therapy. Vet Dermatol 2004; 15(2):90-98.
- Tater KC, Olivry T. Canine and feline Pemphigus foliaceus: Improving your chances of a successful outcome. Vet Med 2010; January: 18-30.
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abcès
Masse circonscrite contenant du matériel purulent, se développant typiquement dans le tissu sous-cutané.
alopécie
Absence de poils à un ou des endroits où des poils sont généralement présents; elle peut être causée par une folliculite, un cycle folliculaire anormal ou des traumatismes auto-infligés.
alopécie en plaques
Alopécie caractérisée par la présence de nombreuses plaques circulaires circonscrites, isolées ou coalescentes; elle est souvent associée à la folliculite.
angio-œdème
Œdème sous-cutané régional.
annulaire
En forme d’anneau.
atrophie
Amincissement de la peau ou d’autres tissus.
bulla
Fluid-filled elevation of epidermis, >1cm
hémorragiques
Blood-filled elevation of epidermis, >1cm
comédon
Amas de kératine et de sébum qui emplit et bouche un follicule pileux.
croûtes
Exsudat séché et débris kératinisés à la surface de la peau.
crusts
Dried exudate and keratinous debris on skin surface
kyste
Nodule tapissé d’épithélium et contenant du liquide ou du matériel solide.
dépigmentation
Perte de pigment (décoloration).
ecchymoses
Taches causées par une hémorragie (> 1 cm).
collerettes épidermiques
Squame ou croûte circulaire, avec de l’érythème, qu’on observe lors d’une folliculite ou après la rupture d’une pustule ou d’une vésicule.
erosion
Lésion de l’épiderme qui ne pénètre pas jusqu’à la membrane basale. L’histopathologie peut être nécessaire pour distinguer l’érosion de l’ulcère.
érythème
Coloration rougeâtre de la peau causée par de l’inflammation ou la congestion des capillaires.
escarre
Croûte épaisse souvent associée à de la nécrose, à un traumatisme ou à une brûlure thermique ou chimique.
excoriation
Érosion et/ou ulcération associée à des traumatismes auto-infligés.
fissure
Quantité excessive de couche cornée, confirmée par histopathologie. Ce terme est souvent utilisé pour décrire la truffe et les coussinets.
fistule
Ulcère à la surface de la peau qui se prolonge plus profondément par un canal qui atteint habituellement les tissus sous-cutanés.
mélanoses folliculaires
Accumulation de squames qui adhèrent à la tige du poil.
hyperkératose
Quantité excessive de couche cornée, confirmée par histopathologie. Ce terme est souvent utilisé pour décrire la truffe et les coussinets.
hyperpigmentation
Quantité accrue de mélanine dans la peau, souvent secondaire à de l’inflammation.
hypopigmentation
Perte partielle de pigment.
hypotrichose
Manque de poils dû à des facteurs génétiques ou à une anomalie de l’embryogenèse.
leucoderme
Décoloration de la peau.
leucotrichie
Décoloration des poils.
lichénification
Épaississement de l’épiderme qui en exagère la texture, souvent causé par une inflammation chronique.
macule
Quantité accrue de mélanine dans la peau, souvent secondaire à de l’inflammation.
miliaire
Qualifie une dermatite croûteuse et papulaire multifocale; il s’agit d’un terme descriptif et non pas d’un diagnostic.
miliaire
Multifocal, papular, crusting dermatitis; a descriptive term, not a diagnosis
morbiliforme
Qualifie une éruption érythémateuse, maculaire, papulaire; les macules érythémateuses mesurent typiquement de 2 à 10 mm de diamètre, et lorsqu’elles sont coalescentes, peuvent former de grandes lésions.
nodule
Masse solide (> 1 cm).
onychodystrophie
Morphologie anormale des griffes causée par un traumatisme, de l’inflammation ou une infection des tissus vivants des griffes; elle comprend l’onychogryphose, l’onychomadèse, l’onychorrhexie et l’onychoschizie.
onychogryphose
Courbure anormale des griffes, secondaire à l’inflammation ou à un traumatisme des tissus vivants des griffes.
onychomadèse
Chute des griffes, secondaire à l’inflammation ou à un traumatisme des tissus vivants des griffes.
onychorrhexie
Fragmentation des griffes, secondaire à l’inflammation ou à un traumatisme des tissus vivants des griffes.
onychoschizie
Décollement et fissuration des griffes, secondaires à l’inflammation ou à un traumatisme des tissus vivants des griffes.
papules
Masse solide de la peau (≤ 1 cm).
paronychie
Inflammation du repli cutané de la griffe.
patch
Flat lesion associated with color change >1cm
pétéchies
Petites lésions érythémateuses ou violacées apparaissant sur la peau à la suite d’un saignement dans le derme.
phlébectasie
Dilatation d’une veine; généralement associée à l’hypercortisolisme.
plaques
Masse surélevée plane de plus de 1 cm de diamètre formée de papules coalescentes ou d’une infiltration dans le derme.
pustules
Masse surélevée de l’épiderme emplie de pus.
reticulé
Qualifie une répartition des lésions en forme de filet.
squames
Accumulation de fragments libres de couche cornée.
scar
Fibrous tissue replacing damaged cutaneous and/or subcutaneous tissues
serpigineux
Répartition des lésions de façon serpentiforme (qui ne suit pas un trajet rectiligne).
télangiectasie
Dilatation permanente de vaisseaux sanguins entraînant une lésion rougeâtre ou violacée (rare).
ulcères
Lésion de l’épiderme qui pénètre jusqu’à la membrane basale. L’histopathologie peut être nécessaire pour distinguer l’ulcère de l’érosion.
urticaire
Éruption cutanée caractérisée par des papules érythémateuses et œdémateuses circonscrites provoquées par une réaction d’hypersensibilité.
vésicule
Masse de l’épiderme emplie de liquide.
wheal (urticaria)
Steep-walled, circumscribed elevation in the skin due to edema